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Pourquoi le malus sur la "puissance administrative" pose problème : l’exemple de la Ford Mustang

 

Faire payer un malus plus élevé à un véhicule d’occasion qui a été importé, comme ce pourrait être le cas à partir du 1er mars avec le barème du malus sur la puissance administrative, est contraire au droit européen. Pour comprendre ce sujet de fiscalité complexe nous avons demandé des explications à un spécialiste, Robert Fournier, expert judiciaire près la Cour d'Appel de Lyon et spécialiste automobile pour les questions de TVA intra-communautaire.

 

Dans des articles précédents, nous avons évoqué une disposition de la loi de finances qui aura pour conséquence l’application d’un barème de malus basé sur la puissance administrative pour certains véhicules importés (ceux qui ont été homologués avant l’entrée en vigueur de la norme WLTP) d’autres pays de l’Union européenne à partir du 1er mars prochain.

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Compte tenu du barème prévu (3 125 euros pour les 6 et 7 CV, 6 250 euros pour les 8 et 9 CV *) cette disposition augmenterait la fiscalité sur les véhicules d’occasion importés par rapport aux véhicules d’occasion qui ont été immatriculés neufs en France.

Actuellement, les véhicules réceptionnés CE introduits en France après avoir été immatriculés dans un autre pays à compter du 1er janvier 2008 ont un malus qui est défini ainsi sur le site de l’ANTS : "le taux de la taxe est celui qui aurait été appliqué en France à la date de 1ère immatriculation ( Voir les barème écotaxe depuis 2008 ) + une réduction particulière : la taxe est également réduite d'un dixième par année entamée depuis cette immatriculation. Ce barème est automatiquement calculé par le SIV."

L’application à partir du 1er mars 2020, aura pour conséquence une augmentation du malus dans des proportions considérables sur certains véhicules comme sur la Ford Mustang dont le malus augmenterait de 7 200 euros, exemple que nous a cité Robert Fournier, expert judiciaire près la Cour d'Appel de Lyon (*) :  "Une Ford mustang V8 de 2016 qui pour le moment se voit appliquer un malus de 4 800 euros sur la base du malus 2016 à 8 000 euros lors d'une première immatriculation en France, serait au 1er mars impactée par ce nouveau malus avec ce nouveau barème et pénalisée sur la base de 20 000 euros moins 10% an, pour un modèle immatriculé depuis 4 ans soit la somme de 12000 euros restant à payer, alors que le même véhicule en France déjà immatriculé depuis 2016 en serait exonéré. Cette position n'est pas envisageable et totalement démesurée, a fortiori défendable au Tribunal administratif sur la base de la jurisprudence", nous a-t-il dit.

On comprend que l'application de cette disposition pourrait fortement déprécier les véhicules concernés et qui seront encore en stock dans les réseaux après le 1er mars.

Cette majoration à la taxation sur les véhicules usagés serait contraire aux décisions et jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne comme le précise cet extrait d’une décision de la CJUE que nous a transmis Robert Fournier : "Par conséquent, la Cour juge que le droit de l'Union s'oppose à ce qu'un État membre instaure une taxe sur la pollution frappant des véhicules automobiles lors de leur première immatriculation dans cet État membre, si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu'elle décourage la mise en circulation, dans cet État membre, de véhicules d'occasion achetés dans d'autres États membres, sans pour autant décourager l'achat de véhicules d'occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national."

Robert Fournier estime que l’application du barème du malus sur la puissance administrative "serait contraire aux dispositions de Article 110 TFUE Impositions intérieures".
"J'ai mené de nombreuses actions auprès de la Commission européenne lors de l'immatriculation de véhicules en provenance du marché communautaire vers la France, j'ai saisi deux fois le tribunal administratif de Lyon et de Nîmes pour le même sujet, le TA m'a donné raison sur ces affaires dont une est entérinée par le Conseil d’État, l'autre plus récente peut être encore conduite en appel dans un délai restant et au maximum le 20 février mais (sauf erreur de ma part), le ministère de l'intérieur restera sur la décision du magistrat. Ces deux affaires étant très liées, il ne serait guère judicieux de saisir la Cour d'appel mais l'administration est tout à fait en mesure de s'obstiner", nous a dit Robert Fournier.


Florence Lagarde

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(*) Barème selon la puissance administrative


Inférieure ou égale à 5 : 0€
Supérieur ou égale à 6 et inférieure ou égale à 7 : 3 125€
Supérieur ou égale à 8 et inférieure ou égale à 9 : 6 250€
Supérieur ou égale à 10 et inférieure ou égale à 11 : 9 375€
Supérieur ou égale à 12 et inférieure ou égale à 13 : 12 500€
Supérieur ou égale à 14 et inférieure ou égale à 15 : 16 625€
Supérieur ou égale à 16 et inférieure ou égale à 17 : 18 750€
Supérieur ou égale à 18 : 20 000€

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(**) Ce que dit la jurisprudence européenne sur la taxation des véhicules d’occasion importés :


a) Il convient de préciser ici que la comparaison entre véhicules d'occasion doit, selon la jurisprudence de la Cour, être effectuée sur les véhicules mis en circulation après l'entrée en vigueur de la loi;

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b) Une taxe sur la pollution prélevée lors de la première immatriculation de véhicules automobiles confirme effectivement qu'un État membre ne peut pas instaurer une taxe sur la pollution plus importante frappant les véhicules automobiles importés lors d'une première immatriculation sur son territoire si cette mesure fiscale est aménagée de telle manière qu'elle décourage la mise en circulation, dans ledit État membre, de véhicules d'occasion achetés dans d'autres États membres, sans pour autant décourager l'achat de véhicules d'occasion de même ancienneté et de même usure sur le marché national;

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c)  Lorsque ces produits sont mis en vente sur le marché des véhicules d’occasion d'un État membre, ils doivent être considérés comme des «produits similaires» aux véhicules d’occasion importés de même type, de mêmes caractéristiques et de même usure. En effet, les véhicules d’occasion achetés sur le marché dudit État membre et ceux achetés, aux fins de l’importation et de la mise en circulation dans celui-ci, dans d’autres États membres, constituent des produits concurrents;

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d) Il est interdit à un État membre de choisir et d'aménager les taxes frappant les véhicules automobiles de façon à ce que celles-ci n’aient pas pour effet de favoriser la vente de véhicules d’occasion nationaux et de décourager ainsi l’importation de véhicules d’occasion similaires;

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e) Une réglementation qui a pour effet de dissuader l’importation et la mise en circulation dans un État membre, de véhicules d’occasion achetés dans d’autres États membres, en ce qu’elle soumet des véhicules d’occasion importés à une taxe qui peut, malgré l’application d’une réduction élevée afin de tenir compte de leur dépréciation, avoisiner un pourcentage considérable de leur valeur marchande, tandis que des véhicules similaires mis en vente sur le marché national des véhicules d’occasion ne sont aucunement grevés d’une telle charge fiscale;

Source : @motor1

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Qui va bien vouloir acheter une voiture et payer, en plus, au moins 30 % de son prix d'achat pour régler le malus au goût très salé ?

À partir du 1er janvier 2020, le malus maximal pourra passer à 20'000 €. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, l'an prochain, il n'y aura pas un mais deux barèmes. Le premier tient compte des normes d'homologation NEDC corrélé. Il sera en vigueur du 1er janvier 2020 au 29 février 2020. Le second est basé sur le cycle d'homologation WLTP, il sera valable du 1er mars 2020 jusqu'à la fin de l'année.
Le gouvernement avait déjà durci le malus 2020 par rapport à 2019. Il sera d'autant plus sévère que son 'déplafonnement' est acté. En effet, alors que le montant maximal était fixé à 12'500 €, le gouvernement a revu sa copie et a décidé de l'augmenter à 20'000 €. Cette douche (très froide) concerne tous les véhicules émettant plus de 184 gCO2/km (du 1er janvier au 29 février 2020).

Avec ces nouvelles règles, beaucoup de voitures sont condamnées. Prenez par exemple le Jeep Wrangler dans sa version 2.0 Turbo de 272 ch. Avec 197 gCO2/km, le client souhaitant en faire l'acquisition doit, en plus du prix d'achat, payer un malus de 20'000 €. Or, le prix de ce modèle est de 47'300 €, le malus écologique représente donc 42 % du prix neuf !
Le Jeep Wrangler n'est pas un cas isolé, il existe bien d'autres modèles qui évoluent en plein brouillard. Nous nous sommes amusés à passer au peigne fin tous les modèles sur le marché afin de repérer ceux qui seront fortement touchés par le malus écologique. Les voitures que nous avons retenues ont un rapport malus/prix neuf d'au moins 30 %. Ainsi, dans ce diaporama, vous ne retrouvez que les véhicules dont le malus à payer à compter de l'année prochaine (avant l'application du second barème, vous suivez ?) représente au moins 30 % du prix d'achat. Bonne découverte !

Source CarAndDriver

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